dimanche 3 mai 2009
Ate logo, Maestro Augusto !
Augusto Boal, créateur du Théâtre de l'Opprimé, est mort en ce début du mois de mai à l'âge de 78 ans. Ayant eu la chance et le bonheur de travailler pendant sept ans avec lui au début des années 80 quand il est arrivé en France, j'ai voulu par cette lettre, lui rendre un dernier hommage.
Cher Augusto,
C’est sur un air de chorinho, cette musique que tu aimais tant et que tu m’as fait découvrir, que je voudrais t’écrire ce que les circonstances ne m’ont pas permis de te dire lors de ta venue à l’Unesco le 25 mars 2009, pour ton message lors de la célébration de la journée mondiale du théâtre.
Je voulais d’abord te dire BRAVO et te tirer mon chapeau pour cette œuvre que tu as construite et qui nous a tous construits, nous qui avons travaillé avec toi. Dès 1978, lors du stage que tu as animé pour le mouvement Freinet à Bollène et où j’ai eu la chance et le bonheur de te rencontrer, tu nous disais déjà combien tu espérais construire toi aussi un Mouvement autour de ta méthode. Il y a eu des hauts et des bas, des essais, des séparations, des reconstructions, des recompositions, mais l’Histoire ne retiendra que cette extraordinaire diffusion du Théâtre de l’Opprimé à travers le monde. « Tout le monde peut faire du théâtre, même les acteurs / Le théâtre peut nous aider à réfléchir à la transformation de la réalité et à devenir les protagonistes du changement » : les principes étaient simples, les techniques étaient diablement efficaces et tu rayonnais d’un charisme jamais démenti pour les transmettre avec un grand sens de la … méthode ! La clarté de ton discours et la force de l’utopie que tu proposais ont été si puissants qu’ils ont éclairé notre chemin et qu’ils nous ont dynamisé pour longtemps. Combien de fois ne nous as-tu pas répété : « La réussite d’un théâtre-forum ou d’un stage doit se lire sur la tête des gens : il faut qu’ils sortent joyeux, porteurs d’une énergie, en un mot dy-na-mi-sés ! ». Alors, oui, vraiment BRAVO encore d’avoir transmis cette belle espérance à tant d’individus et de groupes !
Mais plus encore MERCI !
MERCI de l’incroyable confiance que tu m’as accordée, à moi et à mes camarades du CEDITADE, en nous déléguant le soin de diffuser en ton nom ta méthode.
MERCI de nous avoir laissé utiliser toutes ces techniques et improviser à notre guise sur les gammes que tu nous avais enseignées.
MERCI de ta joie dans ton travail de metteur en scène et de la liberté que tu nous laissais en tant que comédiens dans la construction des pièces.
MERCI pour ton enseignement et sa rigueur.
MERCI de nous avoir tant fait voyager à travers les publics et les groupes sociaux.
MERCI de ta simplicité et de ta générosité, si rares dans le milieu théâtral.
Et MERCI pour cette énergie sans faille que tu as su nous insuffler !
Tu nous quittes aujourd’hui. Mais au contraire du théâtre, cet art de l’éphémère, tu ne nous laisses pas seulement avec des souvenirs. Tu restes au contraire avec nous avec cette méthode que nous allons continuer à faire vivre. Alors demain matin, quand nous allons démarrer cette séance de théâtre-forum que nous te dédierons, nous saurons entamer ce pas de samba que tu savais si bien exécuter quand le théâtre te rendait joyeux et nous saurons lire dans le regard joyeux des spectacteurs, que tu restes diablement vivant ! Stop, oui mais, ... Encore !!!
De tout cœur, je t’embrasse
Ate logo, cher maître Augusto !
Bernard Grosjean