De la parole aux actes
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Jérémy
Lemière
La compagnie « Entrées
de jeu » est remontée sur les planches pour la MSA Marne Ardennes Meuse avec un nouveau
spectacle : Bien dans mes bottes.
Un théâtre-débat racontant les difficultés de communication que rencontrent
Françoise et Félix, un couple d’agriculteurs, avec leur entourage. En
scène !
Il reste 45 minutes avant
les trois coups annonçant le début du spectacle et les premiers spectateurs
attendent au chaud, dans leurs voitures stationnées devant la salle Robert
Chaboudé, à Courtisols. Collés à leur chauffage, ils luttent contre le froid
marnais et guettent le moment opportun pour quitter la campagne blanche et
rejoindre le théâtre d’une pièce haute en couleurs. Dans le vestibule, on
retrouve les collègues, les amis : « Et, toi ça va mieux en ce
moment ? », et on s’enthousiasme sur le contenu du
spectacle : « Je trouve ça bien d’organiser une pièce de théâtre
le vendredi soir : ça nous permet de sortir un peu de notre routine avant
le week-end. »
Une euphorie partagée par
beaucoup d’agriculteurs de la région puisqu’à quelques minutes de la
représentation, les organisateurs se dépêchent d’ajouter une trentaine de
chaises et de pousser les murs pour accueillir tout le monde. « Près de
200 personnes sont présentes ce soir, indique Christelle Halipré,
conseillère en prévention de la MSA Marne Ardennes Meuse et pilote de la
manifestation. Même si nous attendions une bonne fréquentation, on est quand
même étonné. »
Du côté des artistes, on
apprécie la mobilisation des agriculteurs, mais on redoute aussi la réticence
que pourraient avoir les spectateurs à monter sur scène devant un auditoire si dense.
« Je vais devoir faire preuve de persuasion », pense déjà la
maître du jeu, Camille, pourtant expérimentée.
Moins habitué à la scène, Philippe Decorne, président du Groupement d’étude et de développement agricole (Geda) de Suippes, et fraîchement élu MSA, n’hésite pas à fouler les planches pour introduire le spectacle avec, tout de même, une « certaine appréhension », confiera-t-il plus tard. Mais l’agriculteur trouve les mots justes et termine son intervention par une citation de circonstance de Jean-Luc Lagardère : « La communication est une science difficile. Ce n’est pas une science exacte. Ça s’apprend et ça se cultive. » Place aux acteurs !
Moins habitué à la scène, Philippe Decorne, président du Groupement d’étude et de développement agricole (Geda) de Suippes, et fraîchement élu MSA, n’hésite pas à fouler les planches pour introduire le spectacle avec, tout de même, une « certaine appréhension », confiera-t-il plus tard. Mais l’agriculteur trouve les mots justes et termine son intervention par une citation de circonstance de Jean-Luc Lagardère : « La communication est une science difficile. Ce n’est pas une science exacte. Ça s’apprend et ça se cultive. » Place aux acteurs !
Que le
spectacle commence !
La compagnie « Entrées
de jeu » fonctionne sur un système simple : une dizaine de scènes
sont jouées une première fois et, dans un second temps, les spectateurs sont
invités à rejoindre les acteurs pour changer le cours de l’histoire par
la maître du jeu. Pendant que Camille énonce ces règles du jeu, un
murmure parcourt l’assemblée. Familiarisée à ce genre de réaction, l’artiste
rassure le public : « Nous ne vous obligerons pas à venir jouer
avec nous. Mais nous vous inciterons fortement. » Un trait d’humour
qui donne le sourire à l’auditoire et permet d’enchaîner avec les premières
saynètes de la soirée : critique des agriculteurs, problème de dialogue
avec la famille proche, avec ses salariés, les situations diffèrent mais
conservent un même fil conducteur : les difficultés de communication
auxquelles le spectateur-agriculteur peut être confronté.
La pièce est alors jalonnée
de phrases que chacun a entendu au moins une fois autour de lui : « Quand
on vous voit sur vos tracteurs flambant neufs, on voit qu’il y en a qui ne
connaissent pas la crise », « Tu ne peux pas prendre un
salarié ? », « De mon temps, on travaillait plus que ça ».
« Est-ce que ce genre de situation pourrait se passer dans la vraie
vie ? », se risque Camille.
Le public sourit et répond,
unanime, par l’affirmative. « Ça arrive même souvent »,
s’amuse un agriculteur. Dans la pièce, Félix subit ces remarques sans jamais
faire entendre son point de vue. Un manque de communication qui entraîne des
tensions et des incompréhensions avec son entourage. Et c’est au public de
trouver des solutions.
Acteur d’un soir
Une dizaine de scènes plus
tard, voici le moment redouté par les spectateurs. Qui sera acteur ? Les
rires se font moins francs dans le public, certains cherchent un point au loin
à accrocher pour éviter tout contact visuel avec le maître du jeu :
« Allez, je sais que ce n’est pas facile de passer en premier sur la
scène, concède Camille, mais je vous promets que nous n’avons jamais
maltraité de personnes. » Sans trop élever la voix, certaines
personnes osent proposer des solutions à la situation de la première
scène où les clients d’une boulangerie blâment les agriculteurs face au
prix de la baguette dû à l’augmentation du tarif du blé : « Il
faut leur expliquer que le prix du blé a baissé ces derniers temps »,
lance-t-on à gauche. « Le blé ne compte que peu dans la composition du
pain », affirme-t-on à droite.
Finalement, c’est
Jean-François qui prend la place d’un Félix muet face aux critiques, dans la
file d’attente du commerce imaginaire pour défendre ses confrères agriculteurs.
Une montée des marches sous des salves d’applaudissements saluant l’audace de
l’homme. Les autres scènes sont ensuite reprises et malgré un public toujours
difficile à faire monter sur scène, chaque situation trouve une solution grâce
à l’implication de quelques courageux.
Pour la dernière saynète,
Camille tente un coup : « Nous allons avoir besoin de trois
personnes sur la scène. » Après moult discussions, les planches se
garnissent d’un agriculteur accompagné d’un ami et d’un élu face à deux
contrôleurs de la PAC. Et voilà, le bouquet final qui mêle quiproquos et
situations hilarantes pour le plus grand plaisir des spectateurs.
À 23 heures, le président
de la MSA Marne Ardennes Meuse, Philippe Mennesson, fait le point sur le
déroulement de la soirée. En tant agriculteur, lui aussi « connaît
toutes ces situations rencontrées. Ce qui m’a frappé, c’est que l’on ne trouve
pas forcément de solutions. J’en conclus tout simplement que la communication,
et bien c’est quelque chose de difficile ».
Pour la santé-sécurité au
travail et l’action sociale de la MSA Marne Ardennes Meuse, cette soirée sert
de point de départ pour aider les agriculteurs autour de la communication et de
la médiation avec leur entourage. Si tout reste à faire, les questionnaires
distribués en début de représentation et récupérés en fin de soirée permettra
au service de connaître les besoins et les attentes des agriculteurs. « Nous
aimerions mettre en place des ateliers de groupes sur le sujet, projette
Christelle Halipré, et d’autres actions de sensibilisation. »
Reste une inconnue, la
participation des agriculteurs qui apprécient recevoir des conseils mais qui
rechignent parfois à parler de leurs soucis, comme le confirme Philippe
Decorne : « Dans la Marne, il existe déjà des groupements féminins
d’agricultrices qui travaillent sur les problèmes de communication. Les hommes
ont plus de difficultés à évoquer le sujet et c’est dommage car les solutions
se trouvent en groupe ». Pour valider ces dires, il suffit de tendre
l’oreille à la fin du spectacle, où ceux qui n’ont pas osé monter sur scène
poursuivent le débat : « Ah, le contrôle de la PAC, j’ai connu et
il faut faire attention avec eux », « Quand les gens me font
remarquer mon tracteur tout neuf, je leur dis qu’il faut avancer avec son
temps. On ne va pas continuer à travailler avec des chevaux comme le faisaient
nos grands-parents ». Et si cette soirée avait déjà fait son effet sur
les spectateurs ? Réponse dans les prochains mois.
le 11 mars 2015