AGRA Presse Hebdo - N° 3477-3478 - 05/01/2015 - Agriculture et société
Sur les planches, avec les agriculteurs
Les comédiens de la troupe Entrée de jeu aiment débattre avec les agriculteurs. Sans cliché, ils viennent jouer
devant un public de connaisseur, des tranches de vie des agriculteurs. S’ensuit alors un débat avec la salle,
très animé. La troupe jouera le 6 février prochain, dans la Marne, sur la thématique de la communication
dans une exploitation agricole.
Le stress est dans le pré, Emile de père en fils, La paix du hangar... Des noms évocateurs pour des pièces de théâtre sur l’agriculture. Bernard Grosjean écrit depuis près de trente ans du théâtre-forum pour, entre autres, les agriculteurs. Face à un public très exigeant et qui en a assez d’être stigmatisé, l’enjeu est de taille. Mais le directeur d’entrée de jeu, la compagnie qu’il a fondée, ne prend pas son travail à la légère.
A chaque nouvelle pièce sur le monde agricole, ils travaillent pendant des semaines avec les
délégués et les élus de la Mutualité sociale agricole (MsA) (laquelle lui a commandé la pièce)
ainsi que les agriculteurs à qui Bernard Grosjean soumet la pertinence de ses textes. « J’entends
des histoires terribles. Comme dans la Manche, après la grève du lait, un paysan s’est suicidé car
il n’avait pas supporté d’avoir versé du lait dans son champ ; un autre ne l’a pas fait et était
suspecté d’être un collabo », se souvient Bernard Grosjean qui assure « ne jamais faire de parodie,
ni de pathos. »
Communauté d’intérêts agricole
Ces pièces de théâtre-forum sont jouées partout en France dans des salles combles. s’ensuit un
débat avec un meneur de jeux, comédien de la compagnie. « A la fin, les agriculteurs présents
dans la salle parlent pendant une heure et demie. Ce qui est émouvant, c’est qu’ils finissent par
nous considérer comme des leurs. Cela veut dire que nous sommes arrivés à traduire des sentiments
difficiles et pourtant bien présents chez chacun d’eux », explique le directeur de la compagnie.
Certaines thématiques sont difficiles à appréhender. Comme le suicide par exemple, troisième
cause de décès chez les chefs d’exploitation (1). « A la MSA, ils se sont aperçus qu’il fallait mieux
prendre l’angle des risques psychosociaux (stress, harcèlement et violences au travail) que d’aborder
le thème du suicide de plein fouet », commente Bernard Grosjean. Cet homme d’expérience dirige
une trentaine d’acteurs qui sont régulièrement formés pour affronter des sujets et des publics pas
toujours faciles. « Le théâtre fait office de médiation pour débloquer des mots qui ne sortiraient
pas. Les comédiens sont là pour faire le lien. » La compagnie parisienne travaille aussi pour le
milieu hospitalier, les entreprises ou encore les personnes âgées. Mais le monde agricole reste à
part pour Bernard Grosjean : « Même s’ils sont de moins en moins nombreux, il y a une communauté
d’intérêt absolument incroyable avec les agriculteurs. On peut vraiment débattre ensemble. Le public est hyper généreux, les comédiens adorent jouer pour eux ! »
Noémie Debot-Ducloyer
http://www.agrapresse.fr/
Noémie Debot-Ducloyer
http://www.agrapresse.fr/
(1) etude INVs parue en 2013, se poursuivant en 2015, avec le soutien de la MsA.